À l’heure où la transformation numérique n’est plus une option, les entreprises – en particulier les PME – se trouvent face à un choix stratégique fondamental : opter pour un système intégré de type ERP, ou empiler des solutions spécialisées, souvent peu connectées entre elles. Si la deuxième voie semble plus simple et économique au départ, elle révèle rapidement ses limites, tant techniques qu’économiques.
Une multitude d’applications crée vite une fausse impression d’économie
De nombreuses entreprises choisissent d’abord la voie du moindre coût : un site WordPress, une boutique en ligne via Shopify ou PrestaShop, une comptabilité sur Sage ou Pennylane, un CRM indépendant comme SalesForce, un outil de gestion d’inventaire, et diverses solutions tierces pour la signature électronique ou la prise de rendez-vous.
Chaque outil, pris séparément, semble abordable. Par exemple :
- WordPress : gratuit à la base, avec un vaste écosystème de thèmes et de plugins, il y en aurait plus de 60000 gratuits et 30000 dits premium. Pas loin de 45% des sites en part de marché mondial. Il permet de créer un site vitrine professionnelle sans compétences techniques poussées, du moins de prime abord et pour des fonctions non spécifiques. Mais dès qu’il s’agit de le connecter à un CRM ou un ERP, il faut passer par des extensions spécifiques (comme WPGetAPI, Bit Integrations ou Zapier), souvent payantes, et pas toujours fiables dans la durée. Notons que cette solution couvre le e-commerce avec son extension Woo-commerce.
- Shopify : à partir de 27 €/mois, offre une solution SaaS simple à déployer pour l’e-commerce, avec hébergement et sécurité inclus. Il représente quelque 6 à 7% des sites. Mais l’ajout de fonctionnalités ou la connexion à d’autres systèmes repose sur des applications tierces ou des API limitées, ce qui peut générer des surcoûts.
- PrestaShop : plateforme open source, très populaire en Europe, particulièrement adaptée aux projets e-commerce personnalisés. Elle offre une grande liberté mais requiert souvent l’intervention d’un développeur pour les mises à jour, les extensions ou les connexions à d’autres outils (CRM, ERP, compta). Les coûts réels grimpent vite avec les modules premium ou l’hébergement professionnel. Il existe d’autres solutions pour le e-commerce que nous n’allons pas lister, mais soit plus complexes encore ou peu utilisées.
- La gestion de projet : Trello est souvent considéré comme un incontournable de la gestion de projet grâce à sa version gratuite, idéale pour débuter et pour une utilisation basique. Toutefois, dès que les besoins de l’équipe grandissent—automatisations, vues avancées, gestion fine des droits, reporting ou intégrations externes—il devient nécessaire de passer à une version payante, dont le coût varie entre 5 et 17 € par utilisateur et par mois. Trello séduit aussi par sa capacité à se connecter à de nombreux outils professionnels (Slack, Google Drive, Jira, etc.) via ses « Power-Ups » et à automatiser des workflows grâce à des plateformes comme Zapier ou Unito. Pour les besoins plus techniques, son API ouverte permet de développer des intégrations personnalisées, mais dont le coût peut rapidement augmenter selon l’usage et la taille de l’équipe.
- La gestion des notes : Evernote, leader historique de la prise de notes, est désormais onéreux (près de 13 €/mois). Ses concurrents comme Notion (dès 4 $/mois), OneNote (souvent gratuit) ou Bear (1,49 $/mois) offrent des alternatives attractives. La plupart proposent des API ou des connecteurs (Zapier, Make), permettant d’intégrer et d’automatiser facilement la gestion des notes avec d’autres outils, selon les besoins personnels ou professionnels.
- La signature numérique : les solutions de signature électronique facilitent la validation de documents à distance. Docusign, référence du secteur, propose des offres dès 9 €/mois et dispose d’une API riche ainsi que de nombreux connecteurs pour l’intégration dans divers outils professionnels. Google Workspace intègre désormais une fonction de signature électronique native dans Google Docs et Drive, sans coût supplémentaire pour les abonnés (qui utilisent donc les mails professionnels de Google). Cette solution, conforme aux normes légales, permet de gérer et d’automatiser les signatures au sein de l’écosystème Google, simplifiant ainsi les workflows documentaires. Il en existe d’autres sur le marché mais ce sont les plus connues.
À l’échelle d’une PME de 5 à 10 collaborateurs, ce patchwork logiciel peut représenter entre 4 000 et 12 000 € par an, sans compter les frais cachés : connecteurs API, maintenance, synchronisations manuelles, ou encore assistance technique multipliée.
L’interconnexion devient rapidement un casse-tête coûteux
Plus le nombre d’applications augmente, plus les besoins de synchronisation deviennent complexes :
- Il faut faire circuler les données entre les outils (clients, produits, stocks, factures, etc.).
- Il faut maintenir des connecteurs, souvent payants (ex. : Zapier, Make, plugins spécifiques à Shopify ou WordPress).
- Chaque mise à jour d’un logiciel peut casser une intégration.
- La sécurité, la conformité (RGPD, e-invoicing) ou la traçabilité deviennent difficiles à garantir.
Ce manque de cohérence engendre des doublons de données, des erreurs, et une perte de temps. Il n’est pas rare que des PME doivent recourir à un prestataire externe pour assurer les synchronisations, à raison de 300 à 800 €/jour de prestation pour des prestations classiques, ou développer des scripts sur mesure.
Les outils spécialisés séduisent mais peinent à bien s’articuler entre eux
Certes, des outils comme WordPress pour le site, Shopify ou PrestaShop pour l’e-commerce, Salesforce pour le CRM ou Pennylane pour la comptabilité sont performants dans leur domaine. Mais leur intégration n’est ni gratuite, ni automatique. Par exemple :
- Connecter Shopify à un logiciel de gestion d’inventaire ou de facturation demande souvent des abonnements à des apps tierces (20 à 50 €/mois par app).
- Relier PrestaShop à la comptabilité ou à la gestion de stock demande des modules payants, avec des mises à jour techniques régulières. Par exemple, la connexion Prestashop-Odoo permet de centraliser la gestion commerciale et d’automatiser les flux entre la boutique et l’ERP (Enterprise Resource Planning, en Français Progiciel de Gestion Intégré). Les prix débutent autour de 100 € pour un module basique, jusqu’à plusieurs centaines d’euros par an pour des solutions clé en main avec support professionnel.
- WordPress devient difficile à maintenir dans la durée dès qu’il s’agit d’y intégrer des fonctions de gestion commerciale, à cause des limites des plugins ou des incompatibilités entre extensions.
Un ERP offre une base unifiée, fluide et évolutive
À l’inverse, un ERP rassemble tous ces outils en un seul système intégré. Prenons l’exemple d’Odoo, l’un des ERP les plus accessibles et modulaires, particulièrement adapté aux entreprises de taille moyenne :
- On peut démarrer avec les modules Site Web, E-commerce et Facturation, puis ajouter Stocks, Ventes, Achats, Comptabilité, Projets, etc.
- Tous les modules partagent la même base de données, ce qui évite les erreurs de synchronisation.
- L’ajout de nouveaux modules se fait sans connecteurs externes.
- Les coûts sont maîtrisés, avec une licence de base autour de 20 € à 30 € par utilisateur et par mois, incluant souvent plusieurs modules clés.
Un exemple concret : pour une PME de 10 collaborateurs, un ERP comme Odoo peut coûter entre 3 000 et 5 000 € par an, avec une vision unifiée de l’activité, moins de temps perdu, et une meilleure conformité. Certes, cela suppose que l’entreprise ne fasse pas développer des modules spécifiques correspondant mieux à son métier, ou sa recherche de tableaux de bord spécifiques par exemple. Et cela ne compte pas non plus la mise en place de la solution pour laquelle il est mieux de faire appel à des intégrateurs professionnels pour s’assurer une bonne marche de toutes les fonctionnalités.
La réglementation va bientôt obliger à une plus grande cohérence technique
La généralisation de la facturation électronique obligatoire à partir de 2026 va accentuer la pression sur les systèmes d’information. Les entreprises disposant d’un ERP structuré seront en conformité de façon quasi automatique.
À l’inverse, celles qui jonglent entre plusieurs solutions risquent :
- De devoir investir dans des connecteurs e-invoicing spécifiques,
- De multiplier les points de défaillance,
- De subir une migration dans l’urgence, toujours plus risquée et coûteuse.
Mieux vaut construire un système solide dès le départ
La promesse initiale du “patchwork numérique” – simplicité, agilité, coût réduit – se transforme souvent en complexité croissante, instabilité technique et explosion des coûts indirects.
Un ERP moderne comme Odoo permet de :
- Centraliser les données pour un pilotage efficace,
- Réduire les erreurs humaines grâce à l’automatisation,
- Répondre facilement aux contraintes légales,
- Faire évoluer les outils au rythme de l’entreprise.
Se digitaliser, c’est choisir la cohérence avant la dispersion
« Digitaliser » une PME ne consiste pas à empiler des applications séduisantes mais isolées. Cela revient à construire un écosystème unifié, pérenne et évolutif. Les solutions ERP modernes offrent ce socle, sans nécessiter l’infrastructure lourde des ERP historiques comme SAP ou Oracle.
En somme, mieux vaut investir tôt dans une solution intégrée que d’accumuler les rustines numériques. Car à long terme, le coût du désordre est toujours plus élevé que celui de l’ordre.
Réaliser une migration vers un ERP représente un investissement conséquent
Intégrer toutes les applications existantes (site, e-commerce, CRM, comptabilité, etc.) dans un ERP peut représenter un investissement important, souvent sous-estimé. Même dans le cas d’une migration simple, avec peu d’historique ou de complexité technique, le coût global d’un projet ERP tourne généralement entre 10 000 et 30 000 €, selon le nombre de modules à intégrer et la quantité de données à reprendre.
Si l’entreprise dispose d’un important volume de données comptables ou de pièces justificatives à transférer, ou si le modèle de données est hétérogène, la facture peut monter bien plus haut. D’où l’importance d’anticiper, de planifier... et de ne pas attendre le dernier moment pour structurer son système d’information.